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LES ÉCOLES
DE LA MARTINIERE

 

"La Martinière" est le nom générique d’une série d’établissements ambitieux d’enseignement technique, basés au départ à Lyon et dont la caractéristique commune est d’avoir un rapport avec l’école professionnelle du même nom. 

 

Histoire

 

Le nom de l’école lui a été attribué en hommage à son fondateur, le Major Claude Martin, né à Lyon en janvier 1735, parti s’installer aux Indes à l’époque du roi Louis XV et mort à Lucknow (Inde) en septembre 1800. Il y a connu une belle réussite, finissant sa carrière avec le titre de major général de l’Armée des Indes, après avoir amassé au passage une énorme fortune. En digne représentant du Siècle des Lumières, il consacra cette fortune à la promotion de l’éducation : par testament, il lègue ses biens aux enfants des deux sexes des villes qu’il a aimées, afin qu'ils reçoivent une instruction de qualité. Dans son testament, il demande qu'on fonde des écoles qui porteront son nom et honoreront sa mémoire. Cinq sont rapidement créées : deux à Calcutta, deux à Lucknow et une à Lyon ; après quoi elles ne cesseront d’essaimer dans de nombreux autres lieux.

 

Le projet pédagogique initial était de dispenser un enseignement technique, gratuit et d’un bon niveau, aux enfants des deux sexes. Il a été respecté. La Martinière forme des techniciens dont le profil répond à la demande des entreprises locales. Le succès a suivi : dans la seule agglomération lyonnaise, la Martinière compte actuellement six établissements, réunissant ensemble quelques 6000 élèves. Deux se trouvent dans le 1er arrondissement : l’un se trouve place Gabriel Rambaud, l’autre rue de la Martinière.

 

L'École Professionnelle, 18 Place Rambaud

 

Avec les fonds légués par le major Martin, la Fondation crée par étapes entre 1822 et 1827 un premier établissement, un lycée de garçons. Il occupe quelque temps des locaux dans le Palais Saint-Pierre, actuel musée des Beaux-Arts ; puis, s’y trouvant à l’étroit, se met à la recherche d’une autre implantation.

 

Par coïncidence, à la même époque, un vaste bâtiment se trouve libre. Il s’agit d’un ancien établissement religieux donnant sur l’actuelle place Rambaud, confisqué à la Révolution à la congrégation des Augustins et vendu en 1791 comme Bien national. La Gendarmerie nationale, qui occupe le bâtiment, souhaite le quitter tant il s’est avéré difficile à adapter à ses besoins. La Fondation Martin manifeste alors son intérêt et la Ville de Lyon négocie pour son compte le rachat du bâtiment. L’essentiel en est ensuite rétrocédé à l’école, tandis que des corps de bâtiments qui occupaient l’emplacement de la place Rambaud, restés acquis à la Ville, sont démolis pour créer la place.

Cet événement marque le début d’une coopération étroite entre la Ville et l’école de la Martinière, qui sera créée officiellement en 1831 par une ordonnance du roi Louis-Philippe. En 1833, le maire de Lyon, Victor-Gabriel Prunelle, procède solennellement à son inauguration. De gros travaux s’avèrent ensuite nécessaires pour adapter le bâtiment aux besoins de l’enseignement. En un siècle, ils vont profondément le modifier. En fait, seul l’ancien cloître, transformé en une vaste cour de récréation, reste à peu près inchangé.

 

La première intervention d’envergure est confiée à l’architecte Barqui, chargé en 1873 d’agrandir des classes et de procéder à diverses retouches. Puis, à partir de 1884, un autre architecte, Joseph-François Dubuisson, construit le solennel pavillon d’entrée de quatre niveaux à l’angle des rues Hippolyte-Flandrin et des Augustins.

 

Faute de pouvoir disposer du recul souhaitable dans ce tissu urbain dense, Dubuisson donneà son portail un maximum de majesté en jouant sur la décoration, œuvre du sculpteur Georges Bador ( 1885), et sur l’aspect monumental de l’ensemble. Le portail est large, doté de pilastres de style dorique. Au-dessus, trône une baie à fronton triangulaire flanquée de deux pots à feu et surmontée d’un fronton en demi-lune. La mémoire de Claude Martin est évoquée par son portrait et sa devise : "Labore et Constantia", inscrite sur le linteau. L’ensemble dégage une impression de solennité assez sévère. A l’intérieur, deux plaques, en stuc imitant la pierre et en marbre rouge, évoquent la mémoire de deux professeurs de l’école qui ont joué un rôle éminent dans son histoire : Louis Gaspard Dupasquier (1800-1870) et Charles-Henri Tabareau (1790-1866).

Quelques années plus tard, en 1896, la Ville de Lyon rachète pour la Martinière l´immeuble qui se dresse entre l´entrée du 7, rue des Augustins et celle du 24, rue Hippolyte-Flandrin et le fait démolir. Dubuisson le reconstruit à l’alignement de la rue, conservant sa hauteur. La construction s’achève en 1902.

 

Le succès de l’école ne se démentant pas, les agrandissements reprennent après 1925. Cette fois, c’est l’architecte Heinzelmann qui est chargé de conduire l’opération. Faute de place pour construire de nouveaux bâtiments, il n’a d’autre choix que de surélever les existants. Le projet est approuvé par le Conseil d´administration le 9 juillet 1924. Le bâtiment donnant place Gabriel-Rambaud est reconstruit avec quatre étages sur rez-de-chaussée. Sa large façade, rythmée par quatorze travées, est soigneusement composée et décorée dans le style caractéristique des années 1920 - 1930, avec, surtout au quatrième étage, des surfaces colorées par des inclusions de dés de céramique. L'une des terrasses sera utilisée pendant plusieurs décennies comme cour de récréation pour les élèves filles, avant la mixité totale de l´établissement instituée dans les années 1970.

 

De nos jours, du siège originel des Augustins, seul ou à peu près subsiste l’ancien et vaste cloître. Organisée autour de lui, l’école apparaît comme un ensemble hétérogène où sont incrustés ça et là des immeubles d’habitation privés.

 

La Martinière des Jeunes Filles, 33 Rue de la Martinière

 

Le major Martin avait voulu une école mixte, mais jusqu’en 1869 ce vœu demeure pieux. Ce n’est qu’à cette date que les premiers cours pour jeunes filles sont créés. L’enseignement est dispensé à partir de 1879, d’abord dans un lieu peu approprié situé rue Royale. C’est alors qu’intervient une autre bienfaitrice, madame de Cuzieu, qui lègue à l’école une partie de son énorme fortune.

 

Toujours aidée par ses relations privilégiées avec la Ville de Lyon, la Martinière acquiert, à l’occasion de la percée de la rue Terme, un terrain au 33, rue de la Martinière. Elle y fait construire un bâtiment neuf, qui est inauguré en 1907 par le président de la République René Fallières en présence des ministres Georges Clémenceau et Gaston Doumergues, puis un autre, accolé, afin de s’y agrandir une fois encore.
 

Après cela, pour poursuivre son expansion, la Martinière devra partir sur d’autres sites.A l’origine exclusivement réservé aux filles, et pour cela dénommé La Martinière des jeunes filles, le lycée forme un ensemble compact.

 

Il est composé au départ de deux imposants bâtiments disposés en V, strictement symétriques, enserrant une cour. L’ensemble est enchâssé dans le tissu urbain d’une manière qui assure l’accueil du regard du passant venu par la place Tobie Rebatel ainsi que la continuité du bâti le long des voies. Mais si l’alignement est strictement respecté sur la rue Vitet, il l’est beaucoup moins rue de la Martinière, où la façade forme au sol une ligne brisée ; et pas davantage sur la rue Terme, où le corps de bâtiment qui dépend de l’école est en retrait d’environ un mètre par rapport à l’alignement traditionnel. Il en résulte une solution de continuité assez malheureuse, qui n’a pas été traitée.

 

Cela vient de ce que les deux parties du lycée ont été bâties à deux époques différentes, d’ailleurs facilement repérables à l’examen. La plus ancienne, de grande qualité, a été construite au début du XXe siècle par les architectes François Clermont et Eugène Riboud sur des parcelles cédées par la Ville de Lyon à titre de délaissés lors du percement de la rue Terme. Elle est complétée après la seconde guerre mondiale par une aile construite par l’architecte Cuminal, qui occupe au sol une surface sensiblement équivalente à celle du bâtiment de Clermont et Riboud mais présente une ambition et une qualité de construction nettement inférieures.

 

Pour respecter l’ordre chronologique, examinons d’abord le bâtiment de 1907. 

 

La parcelle, à l´angle des rues de la Martinière et Louis-Vitet a en tout 700 m². Sur cette surface exigüe, les architectes ont réussi à faire tenir deux bâtiments de quatre étages, une tour dédiée aux circulations verticales et une cour d’honneur. Chacun des bâtiments a quatre niveaux sur rez-de-chaussée, dont un niveau d’attique. Par rapport aux bâtiments voisins, qui sont d’inspiration haussmannienne, ils marquent une nette rupture de style : les baies sont immenses, d’une grande hauteur et d’une largeur tout à fait inhabituelle dans le quartier, contribuant à l’affirmation de la fonction scolaire du bâtiment; les allèges sont décorées de volutes. L’étage attique, presque aveugle, est rythmé par des baies verticales étroites et dotées de couvrements en plein cintre. Et naturellement, la béance engendrée par le vaste dièdre se remarque.

 

La cour est soigneusement composée. Bien que petite, elle porte la marque d’une évidente recherche de qualité. Elle est dominée par les deux ailes strictement symétriques du lycée et structurée, à leur jonction, par un pavillon qui domine tout l’ensemble.

 

Juchée sur un perron, l’entrée principale est promue au rang de point focal : on l’a en vue pendant toute la traversée de la cour. Elle est soigneusement composée, surlignée par une marquise vitrée formant un éventail. Elle donne accès à un vaste hall d’entrée qui distribue les circulations intérieures, par un solennel escalier à quatre noyaux. Grâce à la rigueur de l’organisation,  les espaces inemployés sont réduits au strict minimum.

 

A l´intérieur comme à l´extérieur, la décoration use du vocabulaire architectural et ornemental caractéristique du début du XXe siècle : l´Art nouveau. On ne retrouve pas complètement dans cet ensemble l’esprit d’Hector Guimard : Lyon n’est ni Bruxelles, ni Paris et les arabesques sont ici beaucoup plus sages ; mais l’influence est nette, essentiellement dans quelques détails savamment mis en scène : ainsi, la grille très ornée qui ferme la cour du côté de la rue; ainsi également, le foisonnement décoratif qui envahit les parties aveugles.

 

Le portail donnant sur la rue de la Martinière  est solennel : deux colonnes à chapiteaux d’inspiration ionique, portant des lanterneaux et une sorte de calicot métallique, encadrent le double ouvrant, dont le dessin, complexe, est en continuité avec celui de la grille. Par essence, l’Art nouveau est spectaculaire et ostentatoire.

 

Les façades des deux bâtiments formant le dièdre sont strictement composées et plutôt austères ; mais leurs pignons sont décorés de mosaïques, qui célèbrent la gloire du Travail -et du major Martin. Celui de la façade donnant rue Louis-Vitet, représente une ruche sur une vigne dans le soleil levant, le tout accompagné de la devise du major (Labor et Constantia). Celui donnant rue de la Martinière porte un fier lion, rappelant celui du logo de la Ville de Lyon : dressé sur ses pattes de derrière, dans une position batailleuse. Un phylactère reprend la devise des bourgeois lyonnais lors de leurs insurrections du Moyen-Âge : Avant ! Avant ! Lyon le Meilhor ! Le logo LM est répété entre les arcs du rez-de-chaussée et en plusieurs points des façades et de la grille. Détail qu’on ne voit pas de la rue, les couvertures sont constituées de sheds.

C’est à droite de ce premier établissement, que Cuminal a ajouté dans les années 1950 un second ensemble, bien différent. Son aile nouvelle a un étage de plus que les bâtiments primitifs mais elle a sensiblement la même hauteur : mathématiquement, ses niveaux ont donc une hauteur sous plafond inférieure d’un quart à ceux de l’aile primitive ; les volumes intérieurs y perdent en majesté.

 

En outre, les matériaux employés (essentiellement le béton gris, les pavés de verre et le PVC) sont incomparablement moins nobles ; quant aux formes, elles sont d’une franche pauvreté: les ouvertures sont étriquées, parfois carrées ; les seuls reliefs des façades sont des structures apparentes de béton. La vocation scolaire de l’immeuble n’est plus apparente. La date de construction (les années 1950) fournit à la fois une explication et une excuse à cette piètre qualité : ce dont la nouvelle aile porte le témoignage, c’est d’une recherche drastique d’économies. Il est vrai que dans l’après-guerre, époque de la construction de ce bâtiment, l’argent était devenu rare.

 

L’architecte a cherché à atténuer cette impression en plaçant sur sa façade un bas-relief du sculpteur Georges Salendre ; mais à lui seul, cet embellissement ne parvient pas à compenser la médiocrité du reste, d’autant que la juxtaposition des deux immeubles impose la comparaison avec le bâtiment de 1907.

 

Aujourd'hui, les écoles de La Martinière gardent entre eux des liens privilégiés, la Fondation Martin y est toujours active comme la Société des Anciens Martins.

 

 

Bibliographie :

 

Sylvain Chuzeville : Du bourg Saint-Vincent au Quartier de la Martinière - Editions Lyonnaises - 1998
Site https://www.lamartinierediderot.fr/historique
Jean PelletierLyon, connaître son arrondissement, le 1er - Editions Lyonnaises - 2009