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La Condition des Soies est un bâtiment situé 7 rue Saint-Polycarpe, Lyon 1er, construit entre 1804 et 1814, et destiné à garantir le taux d'humidité des fils de soie pour leur commerce. Il est inscrit aux monuments historiques et sert aujourd'hui de bibliothèque, centre social et accueil d'associations.
L'expression « Condition des soies » désigne l'essai et l'examen du textile aux divers points de vue de l'humidité, du poids, de la solidité, … et par extension désigne un établissement où se fait cet essai.
Le but est de définir le poids à sec de la soie pour en garantir un taux d'humidité demandé dans les soies qui transitaient entre marchands et négociants, ainsi que la qualité des façonnés ouvrés par les tisseurs, donc des produits bruts et ouvrés pour en estimer la valeur. Au XVIIe siècle, la ville Lyon était connue et réputée pour ses soieries, tant pour l'importance de sa production et la finesse de ses ouvrages.
La soie est un produit très hygrométrique (produit qui prend facilement l'humidité) et peut renfermer pas moins de huit pour cent de son poids d'eau et en contenir jusqu'à quinze pour cent sans paraître mouillée. Cette propriété présente de graves inconvénients au point de vue commercial car elle présente des facilités à la fraude. Au début de ce siècle, il n'existait pas de structure réglementant la soie. Il suffisait alors d'augmenter la quantité d'eau contenue dans la soie pour faire augmenter les prix. Cela allait à l'encontre de l’intérêt public et des industriels, car à l'époque, on payait selon le poids pesé. Au début des années 1800, la Condition des soies de Lyon, une des plus anciennes qui existe, ne fonctionne pas par des procédés fixes et constants. L'énergie dessiccative (enlèvement de l’eau) n’y est pas fixée, et varie fréquemment en fonction de la quantité de soie qu’elle renferme, et suivant l’état extérieur de l’atmosphère.
De même en différents points des salles-séchoirs. Les ventilations sont insuffisantes et mal organisées. Les acheteurs n'ignorent pas cela, et font leurs achats les jours de temps sec afin d'avoir ce qu'ils appellent un bon jour de condition.
L'Italie est par excellence la terre classique de la soie, et il n'est pas surprenant qu’elle est été le berceau du conditionnement. C'est à Turin que fonctionna la première Condition des soies. Elle fut fondée en 1750, par ordonnance du roi de Sardaigne qui voulait établir, sur tous les points, la confiance du commerce des soies parmi ses sujets. C'était une salle à quatre cheminées, où les soies étaient suspendues à des crochets. La température de cette salle était maintenue à un degré donné du 1er octobre au 1er mai ; pendant les cinq mois d'été la dessiccation s'opérait par l’action de l’air extérieur.
Qui est Jean Louis Rast Maupas ? Il nait à La Voulte le 26 novembre 1731. Agronome distingué, il invente une greffe qui porte toujours son nom. Il étudie particulièrement l'histoire naturelle et l'agriculture. De plus, il voyage beaucoup. Il décèdera à Lyon le 27 mars 1821.
En 1779, Jean Louis Rast visite la Condition des soies à Turin (Italie). A son retour, voulant doter la ville de Lyon d'un établissement analogue à celui de la ville de Turin, il s'adresse au Contrôleur général des finances pour obtenir une concession privilégiée de trente ans. En échange, il assurait selon lui, l'uniformité de dessiccation de la soie, et devait rendre impossibles toute erreur et surtout toute infidélité. Suite à des querelles avec des concurrents existants pour savoir qui doit détenir ce monopole, Napoléon institue en 1805 une Condition unique et publique des soies. Il les indemnise et met fin aux querelles. Napoléon accorda le monopole du conditionnement de la soie à la Chambre de Commerce qui acheta un terrain sur les anciennes propriétés des Capucins et fit construire, de 1809 à 1814, le bâtiment de la Condition des soies (sur le modèle d'un palais italien) qui met de l'ordre dans la qualité et la valeur des produits selon les plans de l’architecte Joseph-Jean-Pascal Gay. La Condition des soies unique et publique ne s'installera que le 14 août 1814 dans ses bâtiments.
La Chambre de Commerce est chargée de gérer son fonctionnement et de nommer un directeur. La Condition devant pouvoir ouvrir à n' importe quelle heure du jour ou de la nuit, celui-ci, le directeur, ne peut quitter son domicile attenant sans autorisation. Le conditionnement des soies se fait dans des caisses grillagées placées pendant vingt quatre heures dans une pièce fermée aux murs épais et à une température constante, autour de dix huit à vingt degrés.
La Condition des soies est un immeuble de 32 mètres de long et de 23 mètres de large. C'est un exemple d'architecture industrielle fonctionnelle du XIXe siècle.
Le plan est d'une grande symétrie et les seuls éléments décoratifs sont représentés par la variété des percements, les aisselles et le grand portail d'entrée. L'ensemble forme une composition sobre.
Le bâtiment, à l'origine, est isolé des immeubles voisins pour éviter tout risque d'incendie et faciliter les circulations.
L'édifice, à l'origine, se présente comme un volume rectangulaire à deux niveaux (rez-de-chaussée et premier étage) surmonté d'un troisième niveau constitué d'un corps en forme de U ouvert à l'est. La pente des toits converge vers l'intérieur du bâtiment.
En 1856, c'est la surélévation d'un étage du bâtiment principal. L'aspect général reste homogène malgré l'exhaussement d'un troisième étage et la pose d'une verrière sur la toiture.
Depuis 1884, la Condition des soies se présente comme un corps massif et cohérent à quatre niveaux.
La porte d´entrée offre un arc cintré richement sculpté de motifs représentant des feuilles de mûrier, des vers à soie et une tête de lion. A droite, fixé sur la façade se trouve un bas-relief en bronze représentant Pasteur (en médaillon avec deux petits bas-relief en bronze allégoriques incrustés dans une plaque de marbre).
Dès 1806, le volume traité est de trente tonnes. En 1841, suite à une amélioration scientifique, dite de dessiccation à l'absolu, avec étuves, installée par l'ingénieur Paulin Talabot, le tonnage passe alors à soixante six tonnes par mois. D'autres améliorations suivront, et en 1913, avec sept cents tonnes par mois, le bâtiment est au bord de la saturation et la Chambre de Commerce et d'industrie envisage un agrandissement aux Brotteaux.
La première guerre mondiale ouvre une période de déclin avec le développement de la rayonne. La crise de 1929 accentuera le déclin et la seconde guerre mondiale, en interrompant les importations entrainera la fermeture du bâtiment en 1940.
Le Centre de Recherche de la soierie et des industries textiles (CRIST) lui succèdera après guerre et s'installera d' abord à Boulogne sur Seine (Hauts de Seine) puis à Ecully (Rhône) en 1976, et qui, après absorption de la section habillement, porte aujourd'hui le nom d'Institut français du textile et de l’habillement (IFTH).
Le bâtiment de la Condition des soies sera récupéré par la municipalité et est depuis lors bibliothèque du 1er arrondissement, annexe de la Bibliothèque municipale de Lyon. En 1980, le bâtiment est inscrit au titre des monuments historiques (toitures, façade sur rue et escalier monumental).
Monsieur Rast-Maupas ne pouvant pas être considéré comme un inventeur, on ne saurait du moins lui contester le mérite d'avoir importé et perfectionné une institution utile.
A ce titre, son nom, devant être sauvé de l'oubli, a été donné justement à une rue de la .Croix-Rousse. (Arrêté préfectoral du 30 avril 1858, pris à la suite d'une délibération du Conseil municipal de Lyon.)
Joël Clary, Les ailes de la soie, Lyon & Milan, Musée des confluences & Silvana ed,, 2009