Histoire
L’établissement place Rambaud
Cet événement marque le début d’une coopération étroite entre la Ville et l’école de la Martinière, qui sera créée officiellement en 1831 par une ordonnance du roi Louis-Philippe. En 1833, le maire de Lyon, Victor-Gabriel Prunelle, procède solennellement à son inauguration. De gros travaux s’avèrent ensuite nécessaires pour adapter le bâtiment aux besoins de l’enseignement. En un siècle, ils vont profondément le modifier. En fait, seul l’ancien cloître, transformé en une vaste cour de récréation, reste à peu près inchangé.
La première intervention d’envergure est confiée à l’architecte Barqui, chargé en 1873 d’agrandir des classes et de procéder à diverses retouches. Puis, à partir de 1884, un autre architecte, Joseph-François Dubuisson, construit le solennel pavillon d’entrée de quatre niveaux à l’angle des rues Hippolyte-Flandrin et des Augustins. Faute de pouvoir disposer du recul souhaitable dans ce tissu urbain dense, Dubuisson donneà son portail un maximum de majesté en jouant sur la décoration, œuvre du sculpteur Georges Bador ( 1885), et sur l’aspect monumental de l’ensemble. Le portail est large, doté de pilastres de style dorique. Au-dessus, trône une baie à fronton triangulaire flanquée de deux pots à feu et surmontée d’un fronton en demi-lune. La mémoire de Claude Martin est évoquée par son portrait et sa devise : "Labore et Constantia", inscrite sur le linteau. L’ensemble dégage une impression de solennité assez sévère. A l’intérieur, deux plaques, en stuc imitant la pierre et en marbre rouge, évoquent la mémoire de deux professeurs de l’école qui ont joué un rôle éminent dans son histoire : Louis Gaspard Dupasquier (1800-1870) et Charles-Henri Tabareau (1790-1866).
Quelques années plus tard, en 1896, la Ville de Lyon rachète pour la Martinière l´immeuble qui se dresse entre l´entrée du 7, rue des Augustins et celle du 24, rue Hippolyte-Flandrin et le fait démolir. Dubuisson le reconstruit à l’alignement de la rue, conservant sa hauteur. La construction s’achève en 1902.
Le succès de l’école ne se démentant pas, les agrandissements reprennent après 1925. Cette fois, c’est l’architecte Heinzelmann qui est chargé de conduire l’opération. Faute de place pour construire de nouveaux bâtiments, il n’a d’autre choix que de surélever les existants. Le projet est approuvé par le Conseil d´administration le 9 juillet 1924. Le bâtiment donnant place Gabriel-Rambaud est reconstruit avec quatre étages sur rez-de-chaussée. Sa large façade, rythmée par quatorze travées, est soigneusement composée et décorée dans le style caractéristique des années 1920 - 1930, avec, surtout au quatrième étage, des surfaces colorées par des inclusions de dés de céramique. L'une des terrasses sera utilisée pendant plusieurs décennies comme cour de récréation pour les élèves filles, avant la mixité totale de l´établissement instituée dans les années 1970.
De nos jours, du siège originel des Augustins, seul ou à peu près subsiste l’ancien et vaste cloître. Organisée autour de lui, l’école apparaît comme un ensemble hétérogène où sont incrustés ça et là des immeubles d’habitation privés.
Le lycée de la Martinière
Après cela, pour poursuivre son expansion, la Martinière devra partir sur d’autres sites.
La parcelle, à l´angle des rues de la Martinière et Louis-Vitet a en tout 700 m². Sur cette surface exigüe, les architectes ont réussi à faire tenir deux bâtiments de quatre étages, une tour dédiée aux circulations verticales et une cour d’honneur. Chacun des bâtiments a quatre niveaux sur rez-de-chaussée, dont un niveau d’attique. Par rapport aux bâtiments voisins, qui sont d’inspiration haussmannienne, ils marquent une nette rupture de style : les baies sont immenses, d’une grande hauteur et d’une largeur tout à fait inhabituelle dans le quartier, contribuant à l’affirmation de la fonction scolaire du bâtiment; les allèges sont décorées de volutes. L’étage attique, presque aveugle, est rythmé par des baies verticales étroites et dotées de couvrements en plein cintre. Et naturellement, la béance engendrée par le vaste dièdre se remarque.
La cour est soigneusement composée. Bien que petite, elle porte la marque d’une évidente recherche de qualité. Elle est dominée par les deux ailes strictement symétriques du lycée et structurée, à leur jonction, par un pavillon qui domine tout l’ensemble. Juchée sur un perron, l’entrée principale est promue au rang de point focal : on l’a en vue pendant toute la traversée de la cour. Elle est soigneusement composée, surlignée par une marquise vitrée formant un éventail. Elle donne accès à un vaste hall d’entrée qui distribue les circulations intérieures, par un solennel escalier à quatre noyaux. Grâce à la rigueur de l’organisation, les espaces inemployés sont réduits au strict minimum.
A l´intérieur comme à l´extérieur, la décoration use du vocabulaire architectural et ornemental caractéristique du début du XXe siècle : l´Art nouveau. On ne retrouve pas complètement dans cet ensemble l’esprit d’Hector Guimard : Lyon n’est ni Bruxelles, ni Paris et les arabesques sont ici beaucoup plus sages ; mais l’influence est nette, essentiellement dans quelques détails savamment mis en scène : ainsi, la grille très ornée qui ferme la cour du côté de la rue; ainsi également, le foisonnement décoratif qui envahit les parties aveugles.
Le portail donnant sur la rue de la Martinière est solennel : deux colonnes à chapiteaux d’inspiration ionique, portant des lanterneaux et une sorte de calicot métallique, encadrent le double ouvrant, dont le dessin, complexe, est en continuité avec celui de la grille. Par essence, l’Art nouveau est spectaculaire et ostentatoire.
Les façades des deux bâtiments formant le dièdre sont strictement composées et plutôt austères ; mais leurs pignons sont décorés de mosaïques, qui célèbrent la gloire du Travail -et du major Martin. Celui de la façade donnant rue Louis-Vitet, représente une ruche sur une vigne dans le soleil levant, le tout accompagné de la devise du major (Labor et Constantia). Celui donnant rue de la Martinière porte un fier lion, rappelant celui du logo de la Ville de Lyon : dressé sur ses pattes de derrière, dans une position batailleuse. Un phylactère reprend la devise des bourgeois lyonnais lors de leurs insurrections du Moyen-Âge : Avant ! Avant ! Lyon le Meilhor ! Le logo LM est répété entre les arcs du rez-de-chaussée et en plusieurs points des façades et de la grille. Détail qu’on ne voit pas de la rue, les couvertures sont constituées de sheds.
C’est à droite de ce premier établissement, que Cuminal a ajouté dans les années 1950 un second ensemble, bien différent. Son aile nouvelle a un étage de plus que les bâtiments primitifs mais elle a sensiblement la même hauteur : mathématiquement, ses niveaux ont donc une hauteur sous plafond inférieure d’un quart à ceux de l’aile primitive ; les volumes intérieurs y perdent en majesté. En outre, les matériaux employés (essentiellement le béton gris, les pavés de verre et le PVC) sont incomparablement moins nobles ; quant aux formes, elles sont d’une franche pauvreté: les ouvertures sont étriquées, parfois carrées ; les seuls reliefs des façades sont des structures apparentes de béton. La vocation scolaire de l’immeuble n’est plus apparente. La date de construction (les années 1950) fournit à la fois une explication et une excuse à cette piètre qualité : ce dont la nouvelle aile porte le témoignage, c’est d’une recherche drastique d’économies. Il est vrai que dans l’après-guerre, époque de la construction de ce bâtiment, l’argent était devenu rare.
L’architecte a cherché à atténuer cette impression en plaçant sur sa façade un bas-relief du sculpteur Georges Salendre ; mais à lui seul, cet embellissement ne parvient pas à compenser la médiocrité du reste, d’autant que la juxtaposition des deux immeubles impose la comparaison avec le bâtiment de 1907.
Aujourd'hui, les écoles de La Martinière gardent entre eux des liens privilégiés, la Fondation Martin y est toujours active comme la Société des Anciens Martins.